L’effet néfaste du bisphénol A prouvé expérimentalement

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01

2013

 

De faibles concentrations de bisphénol A sont suffisantes pour agir négativement sur le testicule dans l'espèce humaine. C’est ce que vient de démontrer pour la première fois de manière expérimentale, René Habert et ses collaborateurs (UMR Cellules souches et Radiations, Inserm U 967 - CEA - Université Paris Diderot) dans un article paru dans la revue Plos One.

Le bisphénol A (BPA) est un composé chimique qui entre dans la composition de plastiques et de résines. Il est utilisé par exemple dans la fabrication de récipients alimentaires tels que les bouteilles et biberons. On le retrouve également dans les films de protection à l’intérieur des canettes et des boîtes de conserves ou encore sur les tickets de caisse où il est utilisé comme révélateur. Des taux significatifs de BPA ont d’ailleurs été retrouvés dans le sang, les urines, le liquide amniotique et le placenta humains. De récentes études ont montré que ce composé industriel induit des effets néfastes sur la reproduction, le développement et le métabolisme d’animaux de laboratoire. Il est fortement suspecté d’avoir les mêmes conséquences sur l’homme.

Par mesure de précaution, la fabrication et la commercialisation des biberons contenant du bisphénol A sont interdites depuis janvier 2011 en Europe. Cette interdiction s’étendra à tous les contenants alimentaires à partir de juillet 2015 en France. Il sera également important de s’assurer de ne pas remplacer dans les années à venir le bisphénol A par des substituts qui mettraient en jeu le même mécanisme d'action.

Dans l’article paru dans Plos One, René Habert et ses collaborateurs apportent la première preuve expérimentale que de faibles concentrations de bisphénol A sont suffisantes pour agir négativement sur le testicule dans l'espèce humaine. Jusqu'à présent aucune étude expérimentale n'avait mis en évidence un effet délétère du bisphénol A sur la reproduction masculine humaine et les rares études épidémiologiques restent contradictoires.

En collaboration avec l’hôpital Antoine-Béclère à Clamart (1), les chercheurs ont maintenu en vie dans des boîtes de culture des testicules fœtaux humains pendant 3 jours en présence ou en absence de bisphénol A selon une méthodologie originale mise au point précédemment par cette équipe. Cette méthodologie avait permis en 2009 de montrer, pour la première fois, que les phtalates (une autre catégorie de perturbateurs endocriniens (2) que l’on retrouve dans le PVC, les plastiques, les tissus synthétiques, les sprays…) inhibent le développement des futurs spermatozoïdes chez le fœtus humain.

Dans ce nouveau travail, les chercheurs ont observé que l'exposition des testicules foetaux humains au bisphénol A réduit la production de testostérone, et celle d'une autre hormone testiculaire qui est nécessaire à la descente des testicules dans les bourses au cours du développement fœtal. Une concentration de bisphénol A égale à 2 microgrammes par litre dans le milieu de culture est suffisante pour induire ces effets. Cette concentration équivaut à la concentration moyenne généralement retrouvée dans le sang, les urines et le liquide amniotique de la population.

On sait que la testostérone produite par le testicule pendant la vie fœtale, impose la masculinisation des organes génitaux internes et externes, qui, en l'absence de testostérone, évolueraient spontanément dans le sens femelle. De plus, il est probable que la testostérone joue également un rôle dans le développement du testicule lui-même. Ainsi l'exposition actuelle au bisphénol A des femmes enceintes pourrait être une des causes des défauts congénitaux de masculinisation (type hypospadias et cryptorchidisme) dont la fréquence a globalement doublée depuis 40 ans. Selon René Habert, "il se peut également que le bisphénol A participe à la chute de la production spermatique et à l'augmentation de l'incidence du cancer testiculaire chez l'adulte observées au cours des dernières décennies."

De plus, les chercheurs ont comparé la réponse au bisphénol A des testicules foetaux humains avec celle des testicules fœtaux de rat et de souris. "Nous avons observé que l'espèce humaine est beaucoup plus sensible au bisphénol A que le rat et la souris. Ces résultats incitent à une grande prudence en toxicologie réglementaire dans l'extrapolation des données obtenues sur l'animal pour définir les seuils d'exposition tolérables en santé humaine", explique René Habert.

Enfin, les chercheurs montrent dans cet article que le Bisphénol A agit par un mécanisme non classique et encore inconnu qu'il sera important d'identifier pour mieux comprendre l'action des perturbateurs endocriniens.

Système de culture des testicules foetaux mis au point par l'équipe de René Habert. Les testicules découpés en petits fragments sont déposés sur un filtre au centre d'une boite de culture. Dans une atmosphère appropriée, ils survivent ainsi pendant plusieurs jours en sécrétant de la testostérone.

Système de culture des testicules foetaux mis au point par l'équipe de René Habert. Les testicules découpés en petits fragments sont déposés sur un filtre au centre d'une boite de culture. Dans une atmosphère appropriée, ils survivent ainsi pendant plusieurs jours en sécrétant de la testostérone.


Notes
(1) Service de gynécologie obstétrique et médecine de la reproduction
(2) Substance ou mélange non produit par l’organisme altérant les fonctions du système hormonal, et induisant donc des effets nocifs sur la santé d’un organisme intact, de ses descendants ou sous-populations

Pour en savoir plus

Sources

Differential Effects of Bisphenol A and Diethylstilbestrol on Human, Rat and Mouse Fetal Leydig Cell Function
Thierry N’Tumba-Byn, Delphine Moison, Marlène Lacroix, Charlotte Lecureuil, Laëtitia Lesage, Sophie M. Prud’homme, Stéphanie Pozzi-Gaudin,René Frydman, Alexandra Benachi, Gabriel Livera,Virginie Rouiller-Fabre equal contributor,René Habert equal contributor

Plos One, décembre 2012


Contact chercheur

René Habert
UMR Cellules souches et Radiations
Inserm U 967 - CEA - Université Paris Diderot
Tel : 06 74 28 36 91

Contact presse
presse@inserm.fr

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