Médicament : évaluation clinique

Ce document s’adresse à tout chercheur souhaitant que le médicament(1) qu’il a développé puisse être mis à disposition des malades par l’obtention d’une autorisation de mise sur le marché. Il faut rappeler en préambule qu’aucune recherche clinique ne pourra être initiée sans l’apport d’une preuve de concept obtenue par des essais pré-cliniques (validation sur modèle in vitro et/ou de préférence, in vivo chez l’animal).

A l’instar de l’article 5 de la Déclaration d’Helsinki (2), la loi de santé publique n° 2004-806 du 9 août 2004 dans son article L1121-2, précise notamment "qu’une recherche impliquant la personne humaine ne peut être effectuée si les risques prévisibles encourus par une personne se prêtant à la recherche sont hors de proportion avec le bénéfice escompté ou l’intérêt de cette recherche".

La recherche impliquant la personne humaine était encadrée par plusieurs textes de loi et leurs décrets, la Loi n°88-1138 du 20 décembre 1988 (dite Loi Huriet-Sérusclat) relative à "la protection des personnes se prêtant à la recherche impliquant la personne humaine" remplacée par la Loi n°2004-806 du 9 août 2004 relative à "la politique de santé publique". Cette dernière faisait suite à la transposition en droit français de la Directive Européenne 2001/20/CE du 4 avril 2001.

Les textes français ont été récemment révisés par la Loi n° 2012-300 du 5 mars 2012 "relative aux recherches impliquant la personne humaine" (dite Loi Jardé) dont les décrêts d’application ont été publiés le 16 novembre 2016 ainsi que la Loi n°2016-41 du 26 janvier 2016 de "modernisation du système de santé" (dite Loi Touraine). Il est également nécessaire de mentionner le décret 2017-884 du 9 mai 2017 portant sur des études qui bien que pouvant impliquer des personnes en bonne santé ou patients, ne sont pas des recherches "impliquant la personne humaine" (enquêtes de satisfaction, expérimentations en sciences humaines et sociales dans le domaine de la santé, exploitation de données de santé...). Ces recherches sont essentiellement du ressort de la Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés (CNIL)

Il est enfin important de noter que la Directive européenne 2001/20/CE a été remplacée par le Réglement (UE) n° 536/2014 du 16 avril 2014 "relatif aux essais cliniques de médicaments à usage humain"  publié au Journal Officiel de l’UE le 27 mais 2014, avec une application du texte non modifiable prévue pas avant 2020. A cette date les dispositions actuelles de la loi Jardé relatives aux études cliniques portant sur les médicaments réalisés dans un seul pays de l’Union européenne ou dans plusieurs pays, seront remplacées par celles préconisées par le Règlement (voir plus loin).

Définitions

La recherche impliquant la personne humaine est définie dans les articles L.1121-1 et suivants du code de la santé publique (CSP) comme l’ensemble des "recherches organisées et pratiquées sur l'être humain en vue du développement des connaissances biologiques ou médicales". 

Il existe désormais trois catégories de recherches impliquant la personne humaine (3) dites de :

Télécharger le schéma des démarches réglementaires pour les projets de recherche clinique sur l'homme (261.2 ko)

Les acteurs

Toute recherche impliquant la personne humaine implique trois partenaires dont les rôles et responsabilités sont définis par la loi.

Le promoteur

Il prend l’initiative d’une recherche et assure son bon déroulement par l’organisation du suivi (monitoring) de l’essai.

Le promoteur est une personne physique ou morale qui a la charge de faire un protocole de recherche (6) à soumettre à l’Ansm pour les aspects réglementaires, à un Comité de Protection des Personnes (CPP) pour les aspects éthiques et à la Commission Nationale Informatique et Liberté (CNIL) lorsque la recherche implique la constitution de fichier de données personnelles. Le promoteur s’assure que le financement de la recherche est en place, y compris pour ce qui concerne les frais supplémentaires liés à d'éventuels fournitures ou examens spécifiquement requis, et assume l’indemnisation des conséquences dommageables de la recherche impliquant la personne humaine via une assurance qu’il doit obligatoirement contracter. Une fois ces conditions remplies, le promoteur soumet sa demande d’évaluation via le site de la Commission Nationale de Recherches Impliquant le Personne Humaine (CNRIPH) (7) qui attribuera au promoteur un CPP désigné de façon aléatoire selon l’article L. 1123-6 du CSP. En cas de participation de volontaires sains, le promoteur soumet sa demande d’évaluation via le site des Volontaires pour la Recherche Biomédicale (VRB) (8), selon l’article l. 1121-16 du CSP.

Le promoteur s’assure qu’avant la première inclusion d’un participant effectuée par l’Investigateur, toute recherche clinique est bien enregistrée dans un répertoire des recherches cliniques, enregistrement légalement requis (9) ou pour permettre toute publication dans les journaux à comité de lecture (10).

Le promoteur est responsable du bon déroulement d’une recherche  qui doit se faire en conformité avec les règles de Bonnes Pratiques Cliniques (BPC) françaises (11) ou internationales (12). Il missionne un Attaché de Recherche Clinique (ARC) pour assurer le monitoring de la recherche. Le promoteur peut  également commanditer un audit de l’essai.

Le promoteur doit informer l’Ansm (ex Afssaps) et le CPP de toute modification substantielle apportée au protocole de recherche et de tout évènement indésirable grave se produisant au cours de la recherche.

L'investigateur

Il conduit la recherche dont il peut être également l’initiateur.

L’investigateur est une personne physique qualifiée (13) qui peut être à l’initiative d’une étude par la rédaction du protocole de recherche qui sera soumis pour approbation aux autorités compétentes via un Promoteur. Dans tous les cas (étude initiée par un Promoteur ou par lui-même), l‘investigateur met en œuvre l’étude et la réalise. Il doit s’assurer que la recherche se déroulera dans des lieux de recherche appropriés autorisés par les Agences Régionales de Santé (ARS), avec une équipe parfaitement informée du protocole de recherche. L’investigateur est également responsable de l’information donnée au participant à la recherche par la rédaction d’une feuille d’information et d’un formulaire de consentement qui seront remis au participant avant son inclusion éventuelle dans un protocole. Toute inclusion est conditionnée par la signature du formulaire de consentement.

Linvestigateur doit informer le promoteur de tout évènement indésirable se produisant au cours de la recherche.

Le participant

Il se prête à la recherche.

Le participant à la recherche peut être un sujet sain ou malade devant bénéficier d’un régime d’assurance maladie. Tout participant doit être en capacité de consentir de façon "libre et éclairée" (14). La fiche de consentement sera signée une fois le participant informé par l’investigateur. Tout participant sain sera obligatoirement inscrit par l’investigateur au fichier des Volontaires à la Recherche Biomédicale (VRB, réf 6 ci-dessus).

Les étapes du développement du médicament

Pour obtenir une autorisation de mise sur le marché (AMM), un médicament doit être soumis à plusieurs étapes de validation :

C’est au terme de ces trois phases qu’une demande d’AMM pourra être déposée et que le médicament qui a obtenu cette AMM pourra être administré.

Toute recherche se déroule selon trois étapes obligatoires :

L’archivage des données sources sera mis en place selon une procédure établie par le Promoteur (17).

Les grandes lignes du Règlement européen sur la recherche sur le médicament

Ce règlement s’appliquera aux recherches monocentriques ou multicentriques. 

Les points essentiels sont :

Notes

(1) toute substance possédant des propriétés curatives ou préventives, ainsi que toute substance pouvant être administrée  en vue d’établir un diagnostic médical
(2) https://www.wma.net/fr/policies-post/declaration-dhelsinki-de-lamm-principes-ethiques-applicables-a-la-recherche-medicale-impliquant-des-etres-humains/
(3) Les recherches portant sur des données existantes avec changement de finalité et des éléments biologiques existants ne font pas parties des recherches sur la personne humaine telles que définies dans ce tableau
(4) Arrêté du 2 décembre 2016 « fixant la liste des recherches mentionnées au 2° de l’article L.1121-du CSP »
(5) La loi du 29 décembre 2011a créé une Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé  (Ansm) en remplacement de l’Afssaps
(6) le protocole définit toutes les étapes de l’étude et encadre sa conduite. Il doit mentionner au moins : la justification de l’étude, les objectifs de l’étude, les aspects liés à l'éthique et l'assurance qualité
(7) https://cnriph.sante.gouv.fr/
(8) https://vrb.sante.gouv.fr/vrb/
(9) vers le registre de l’Ansm (https://ictaxercb.ansm.sante.fr/Public/index.php), en attendant l’ouverture du portail européen d’enregistrement de tous les essais cliniques portant sur le médicament
(10) clinicaltrials.gov
(11) http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000819256&dateTexte
(12) http://www.ema.europa.eu/docs/en_GB/document_library/Scientific_guideline/2009/09/WC500002874.pdf
(13) pour les essais cliniques de médicaments c'est  un médecin thésé inscrit à l’ordre des médecins et justifiant d’une expérience appropriée. Pour les essais cliniques concernant le domaine de l'odontologie, l’investigateur peut-être un chirurgien dentiste conjointement à un médecin justifiant d'une expérience appropriée, peut exercer la direction et la
surveillance de la recherche.
(14) il existe cependant des catégories de participants dits vulnérables : mineurs, adultes sous tutelle ou curatelle ou privés de liberté, personnes plongées dans  le coma. Dans ces situations, le consentement peut être recueilli auprès d’un tiers de confiance
(15) il existe une phase dite I/II à laquelle ne  peuvent participer que des patients (recherche d’une nouvelle chimiothérapie anti-cancéreuse par exemple)
(16) un placebo contient des substances inertes, c’est-à-dire sans effet pharmacologique démontré dans la pathologie considérée
(17) la durée d’archivage est de 15 ans à partir de la date officielle de la fin de l’étude (date de la dernière visite du dernier patient)