REACTing, une approche multidisciplinaire pour relever le défi des crises épidémiques

25

04

2016

Mise à jour : REACTing a maintenant son site web

 

À l’occasion du Zika International Meeting qui s’est tenu à l’Institut Pasteur (Paris), les 25 et 26 avril 2016, Yves Levy a présenté le consortium REACTing et fait le point sur les actions conduites dans le cadre de la lutte contre le virus Zika.  

Retrouver l'intégralité du discours :

"Madame la Ministre,
Monsieur le Président, cher Christian Bréchot
Mesdames et Messieurs,
Chers Collègues,

Nos sociétés sont régulièrement confrontées à des crises sanitaires, locales ou mondiales. Ces crises sont le plus souvent liées à une émergence infectieuse d'origine virale ou bactérienne : grippe H5N1 et H1N1, SARS, Mers-Co, Chikungunya, Ebola et  Zika qui nous réunit aujourd’hui.

Les Etats, les organisations régionales et internationales, les agences de santé, les organisations non gouvernementales et l’industrie pharmaceutique sont aujourd’hui interpellés par la répétition de ces crises et par leurs conséquences sur les équilibres sanitaire, sociaux, économiques et parfois politiques. Nous sommes manifestement entrés dans un nouveau régime de l’émergence et de la ré-émergence infectieuses. Ce nouveau régime appelle de nouvelles réponses, à hauteur des défis à relever dans l’urgence des crises épidémiques.

En juin 2013, sous l’égide de l’Alliance pour les sciences de la vie et de la santé, la France a lancé un consortium appelé REACTing : REsearch and ACTion targeting emerging infectious diseases.

REACTing est une démarche multidisciplinaire rassemblant des équipes et laboratoires d’excellence, afin de préparer et coordonner la recherche pour faire face à une menace qui n’est pas encore arrivée et qui est donc, par nature, imprévisible.

Ce consortium s’organise autour d’un comité de pilotage d’une quinzaine de spécialistes de santé humaine et de santé animale ; il s’appuie sur un comité scientifique de 8 membres et sur des centres méthodologiques. REACTing ne cible aucune maladie en particulier, et peut intervenir sur toutes les émergences infectieuses. Son domaine d’action est large, de la recherche fondamentale aux sciences humaines et sociales en passant par les sciences de l’environnement, l’épidémiologie et la santé publique. L’approche est transversale et multidisciplinaire, car nous savons que les crises sanitaires sont toujours des phénomènes complexes dans leurs causes comme dans leurs effets.

Les objectifs de REACTing sont doubles :

  • Améliorer la préparation de la recherche en période d’inter-crise (temps de paix): gouvernance, préparation des outils de recherche, identification des priorités de recherche, recherche de financements, et préparation des aspects éthiques et juridiques indispensables à l’anticipation des projets de recherche à construire dans l’urgence.
  • Coordonner, financer et mettre en place des projets de recherche en période de crise épidémique : coordination, priorités scientifique et stratégiques, aide méthodologique, information des autorités et du grand public.
  • Aide à la décision publique et réaffirmer la place de la recherche dans la réponse aux cirses sanitaires, à coté des aspects de soins, logistiques, de sécurité et géopolitiques.

REACTing a été mobilisé dès l’été 2014 dans la coordination de la lutte contre Ebola, et présent au niveau de la Task force interministérielle mise en place par le Premier Ministre. C’est dans ce cadre que l’Inserm a pu mettre en place :

  • un essai de traitement antiviral par le Favipiravir,
  • plusieurs essais de phase I et 2 de vaccination en cours en Europe et en Afrique en collaboration avec J&J,
  • le prochain essai de phase 2b dans les 3 pays de l’Afrique de l’Ouest, la Guinée, Liberia, et Sierra Leone, en partenariat académique avec le NIH, LSHTM et industriel avec J&J et Merck.

Je citerai également le rôle de l’IRD et l’Inserm dans les études nourries par les sciences sociales, les analyses en cours sur le réservoir Ebola, le rôle crucial de l‘Institut Pasteur dans l’organisation des laboratoires de diagnostic et de recherche, et celui de l’EFS dans l’essai thérapeutique à base des plasmas de convalescent.

Toutes les actions ont été, ou sont, largement menés en collaboration avec les ONG qui ont joué un rôle majeur dans l’organisation de la réponse à l’épidémie.

Dans son allocution lors de la Conférence sur la sécurité sanitaire internationale, qui s’est tenue à Lyon le 23 mars dernier,  le Président de la République française a validé la démarche REACTing et confirmé que ce consortium bénéficiera d’une allocation de 8 millions d’euros, pour mettre en œuvre un programme de recherche sur Zika et sur Ebola. Une dotation annuelle de 1 million d’euro lui permettra par ailleurs de fonctionner de manière pérenne.

Depuis deux ans, près de 2 millions de personnes ont été contaminées par le virus Zika en Amérique latine et dans les Caraïbes.

Dès la fin de l’année 2015, REACTing et l’Alliance Aviesan se sont immédiatement mobilisés, en particulier l’Inserm, l’Institut Pasteur, l’IRD, l’Etablissement français du sang et le hôpitaux universitaires associés. Nos premiers contacts avec nos collègues Brésiliens de la Fiocruz ont eu lieu en novembre 2015.

Nous avons d’ores et déjà pris des décisions concernant  plusieurs projets de recherche observationnelle et clinique sur le suivi des femmes enceintes symptomatiques, le suivi des enfants avec malformation du système nerveux ou nés de mères infectée, la construction de biothèques de prélèvements et échantillons biologiques, l’évaluation de la pénétration du virus dans les populations et la modélisation mathématique de ses dynamiques. Nous avons également réuni les équipes travaillant autour de la neuroscience pour démarrer des projets sur cette thématique de manière concertée, compte tenu le neurotropisme du virus Zika.

De manière plus spécifique, les projets qui ont débuté ou sont parfois déjà accomplis et publiés concernent en particulier :

  • l’analyse des conséquences de l’infection pendant la grossesse d’environ 5 000 femmes enceintes en Guadeloupe, en Guyane et Martinique ;
  • l’extension de la cohorte CARBO, cohorte de patients souffrant d’infection aiguë à arbovirus ;
  • l’analyse épidémiologique des cas de microcéphalie et syndrome de Guillain-Barré en Polynésie française (avec une implication forte de l’Institut Pasteur) ;
  • la recherche sur la contamination par voie sexuelle et la persistance du virus dans le sperme.

En terme de diagnostic, l’objectif est le développement rapide de méthode fiable à échelle individuel et populationnel, en particulier pour la cible des femmes enceintes et des nouveau-nés, prenant en compte la diversité des pathogènes, notamment les arbovirus, qui co-circulent dans les pays où l’épidémie à virus Zika sévit.

Fort de ces premiers éléments, nous avons également jeté les bases d’une réponse complète à un appel d’offres européen en cours de préparation. Il s’agit pour les partenaires d’Aviesan :

  • de mobiliser toutes les forces françaises de recherche travaillant sur le domaine, mais aussi d’intégrer nos partenaires européens et latino-américains dans une démarche commune ;
  • de déployer rapidement des recherches innovantes, en particulier sur
    • Zika et le système nerveux,
    • la modélisation du virus et sa conformation dans l’espace,
    • les moyens de contrôle des vecteurs,
    • la dimension socio-économique de la propagation de l’épidémie ;
  • d’inclure des partenaires qui ont déjà travaillé sur fonds européens à des situations similaires, liées à la dengue ou à des infections émergentes.

Notre mobilisation inclura aussi la recherche vaccinale :

  • dans le cadre d’un partenariat académique avec le NIH et le VRC pour la réalisation d’essais phase 1 et 2 de vaccin ADN aux USA, France et aux Antilles ;
  • en partenariat avec les industriels, qui sont associés de manière permanente à la stratégie de l’Alliance Aviesan. Nous avons démarré un projet de collaboration avec Sanofi Pasteur pour lancer rapidement de premiers essais précliniques sur une stratégie vaccinale face à Zika, sur la base notamment de l’expérience accumulée sur le vaccin contre la dengue ayant reçu en 2015 ses premières autorisations de commercialisation en Amérique latine.

Ces deux journées, organisées en 6 sessions, vont permettre de fructueux échanges pour confronter nos connaissances et nos stratégies sur le virus Zika. Au nom d’Aviesan, je remercie tous les chercheurs de leur présence et de leurs contributions. A tous, je vous souhaite un excellent travail."

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